Étude d’un ouvrage de référence :
René Désaguliers, Les trois grands piliers de la franc-maçonnerie, Paris, 2011 – Thématiques, problèmes, discussion – suite
(Tenue du 8 juin 2013)
Roger Dachez
Chapitre VIII, p. 63, Le transfert de la colonne Boaz-beauté au Rite ancien.
Rappel des épisodes précédents : système symbolique des « Modernes »
- Colonne Jachin - Colonne Boaz
- Force - Beauté
- 1er Surveillant - 2e Surveillant
- Niveau - Perpendiculaire
- Loi (Ancien Testament) - Grâce (Nouveau Testament)
- Globe terrestre - Globe céleste
- Ouest (Sud) - Ouest (Nord)
Dans la tradition des « Modernes », les Surveillants (avec les colonnes) sont placées à l’Ouest. Dans la tradition des « Anciens » si le 1er Surveillant est à l’Ouest, le 2e est au Sud. Pourquoi ces dispositions différentes et quelles en sont les conséquences symboliques ?
La plus ancienne organisation de loge connue, le système écossais attesté par des manuscrits de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle (1696-1714), ne mentionne qu’un surveillant, à l’Ouest. Ce sont les anglais qui auraient introduit un 2e Surveillant et la place de ce nouvel office aurait quelque peu fluctué. Les « Modernes » auraient choisi de placer les 2 Surveillants à l’Ouest tandis que les « Anciens », suivant en cela une tradition irlandaise, auraient choisi de placer ce 2e Surveillant au Sud.
Le transfert du 2e Surveillant de l’Ouest au Sud oblige à quelques aménagements en termes de cohérence symbolique :
- la position de la colonne Boaz (qui suit le 2e Surveillant) au Sud a de quoi surprendre puisque les colonnes sont censées encadrer l’entrée du Temple de Salomon. Ceci explique peut-être pourquoi les Surveillants sont affublés de colonnettes. Ces colonnettes maintiendraient le lien traditionnel entre les Surveillants et les colonnes qui, elles, resteraient symboliquement à leur place ;
- la perpendiculaire s’adapte aisément à cette nouvelle position. Le Sud représente le soleil à son plus haut point, ce que peut désigner la perpendiculaire et sa verticalité ;
- en revanche la sphère céleste, associée à la nuit, n’est plus à place à la lumière du Sud. Il convenait s’échanger les sphères puisque la sphère terrestre étant associée au jour se trouve mieux au soleil de Midi.
Quoiqu’il en soit il semble que tous ces problèmes n’auraient pas eu lieu d’être si le Mot du Maçon (Jachin-Boaz) avait conservé son unité originelle. C’est la division du Mot et sa répartition qui a rendu l’exégèse symbolique extrêmement complexe, et en matière traditionnelle la complexité n’est jamais porteuse de sens.
Chapitre IX, p. 71, Origine et signification de Sagesse.
Le ternaire « Sagesse, Force et Beauté » est attesté vers 1727 dans la tradition maçonnique. Ce ternaire n’est pas une invention de la Franc-maçonnerie. C’est une vieille donnée théologique savante appliquée à la Trinité, attestée dès le XIe siècle et vulgarisée par des guides de prières très populaires à la fin du Moyen-âge, époque contemporaine des premiers Anciens Devoirs : Force du Père ; Sagesse du Fils ; Bonté ou Grâce du Saint-Esprit.
Selon cette vision des choses adoptée par la franc-maçonnerie, ce ternaire est associé à 3 personnes : le Vénérable Maître, le 1er et le 2e Surveillant. Ces « personnes », pour reprendre la terminologie paulinienne (Ga, 2, 9), sont des « colonnes » immatérielles qui soutiennent la Loge. Nous avons vu que la Force et la Beauté sont associées aux Surveillants, à l’ancienne et à la nouvelle alliance. La Sagesse est associée au Vénérable Maître. Elle est créatrice de l’univers (Prov. 3, 19). Ainsi c‘est Dieu, dans sa dimension trinitaire qui soutient la Loge.
A ce premier ternaire, s’imbrique un 2e, le « Soleil, la Lune et le Maître de la Loge ou les Etoiles). Ce 2e ternaire, matérialisé par des chandeliers et des piliers au centre du local maçonnique (tradition des « Modernes »), emprunte au symbolisme classique de la Passion. Le soleil et la lune représentent les deux natures du Christ, divine et humaine. Les étoiles (ou l’Etoile) représentent le Christ lui-même qui nous guide. Le Christ est au cœur de la Loge.
Le Vénérable Maître figure le Christ, l’Etoile, et c’est pourquoi il est placé à l’Est. Il va de soi qu’il n’incarne pas le Christ, il indique seulement le chemin vers l’Etoile. Mais on voit par là que ce n’est pas un simple président de séance : il a une fonction éminente, soulignée d’ailleurs par la cérémonie d’installation secrète.
Notre étude vise à retrouver, à travers des systèmes symboliques aujourd’hui complexes (exemple la confusion entre les colonnes immatérielles et matérielles), une simplicité originelle et signifiante. Cet appareil symbolique, commun à tous les rites maçonniques, est à connaître et à approfondir.